20 mars, 2007

Le football de rue et la formation de jeunes footballeurs

Pour un référentiel sénégalais « centre de formation aux métiers du football », il est important et même nécessaire de partir des réalités du football depuis le début de la pratique en tenant compte de toutes les valeurs environnementales. Le constat que je fais est que :

- D’une part, nous savons globalement où nous allons (former des jeunes à la pratique du football de haut niveau et aux différents métiers qui tournent autour)
- D’autre part, nous utilisons, sur le plan sportif, les voies et moyens utilisés partout ailleurs (principalement en France) pour y arriver.

Parviendrons nous, en y allant de la même manière que pour des jeunes européens, à y arriver avec plus de chances sachant que l’on part avec des jeunes qui ont eu au départ un vécu, une histoire et un environnement différents ?

Je dis « plus de chances » parce qu’à valeurs égales ce n’est pas la peine ; on ne passera pas !

A mon avis, nous sommes confrontés à deux réalités :

- Les besoins du football africain
- Les besoins du football de haut niveau

En effet, si le football africain a besoin de se faire une place dans les compétitions internationales, le haut niveau cherche des valeurs individuelles « extraordinaires » plus pour faire la différence que pour faire une substitution aux valeurs locales (avec un certain « plus » culturel, morphologique, physique…)

L’opération qui consiste à prendre des jeunes africains que l’on place dans des centres de haut niveau est une opération déjà faite en Europe (France, Hollande, Angleterre,…) et dont les résultats sont connus avec plus de fiabilité et d’assurance à travers l’exemple des jeunes africains nés en Europe. C’est une production sans valeur ajoutée qui ne répond que très peu à la demande du haut niveau actuel.

Cette dernière opération convient cependant au football africain qui trouve en ces jeunes une forte valeur qui s’ajoute à ce qui se fait localement pour compléter les équipes nationales sur plusieurs points : nivellement des valeurs tactiques, moins de folie, plus de professionnalisme et plus de compétitivité.

Pensez vous que les européens vont favoriser la formation de jeunes qui, tout en ne leur apportant pas du nouveau, apporteront un grand plus aux équipes africaines pour ces dernières les fasse éliminer en coupe du monde comme l’a été la France en 2002 ?

Non ! Le manque à gagner devra se combler par une différence, une valeur ajoutée, un démarquage qui permettra, face à un jeune de chez nous, à un recruteur de dire au club « voici autre chose ! » Et que cette autre chose apporte un grand plus qu’il nous appartiendra d’exhiber à tout instant.

La formation à l’européenne est calibrée sur un jeune qui y vit. Notre faute aura été de ne pas calibrer la formation que nous dispensons à nos jeunes. Avant la mise en place des centres de formations, des africains quittaient l’Afrique pour intégrer des clubs européens. Ceux-ci avaient des capacités techniques extraordinaires et apportaient un plus :
« De la folie » au jeu (Salif Keïta, Eusébio,…).
D’où venaient ces qualités s’ils n’ont pas fait de centre de formation ?
Cette question montre que sur place en Afrique on a des éléments de formation qui peuvent être aussi efficaces que la formation européenne. C’est sur ces éléments qu’il nous faudra nous baser pour calibrer notre modèle de formation.

Ses éléments sont essentiellement constitués de la pratique du football de rue à la quelle s’ajoute une compétition locale basée sur des équipes de quartier ainsi que sur les compétitions dans le cadre des activités de vacances. Partir de ces données, les organiser pour mettre en place ce référentiel qui tiendrait compte de réalités culturelles et historiques mais aussi du vécu du jeune depuis ses débuts pour en faire un prolongement par continuité avec la formation.

Pour les jeunes qui viennent chez nous (13 ans), c’est le football de rue ainsi qu’un travail effectué au sein des écoles de football qui sont plus des centres d’animation sportive que des lieux de préformation. Nous devons aller vers une connaissance des valeurs (quantitativement et qualitativement) de ce football de rue. Le travail consistera à aboutir au haut niveau dans tous les aspects (technique, tactique, physique et mental) rien qu’en perfectionnant les valeurs de ce football de rue ou en les intégrant dans le travail de perfectionnement technique et tactique. En d’autres termes, comment orienter le choix des exercices proposés pour garder les valeurs du football de rue et constituer une continuité avec les nouveaux éléments de la formation.

C’est fort de ce raisonnement que je me propose de faire un inventaire de tous les jeux de football de rue du Sénégal et de les étudier pour essayer d’en tirer une utilisation en préformation pour le travail des facteurs de l’entraînement.


Confrontés à la difficulté de l’espace, les jeunes des rues jouent dans les espaces qu’ils ont. Une ruelle, la cour de la maison, autour du terrain de football occupé par les grands,…

Durant toute l’enfance, le jeune sénégalais se forme avec ses camarades à travers une panoplie de jeux institués depuis plus d’un siècle et qui résultent d’un patrimoine culturel bien déterminé. Ne pas le couper de ses réalités tout en lui permettrant d’arriver au haut niveau, c’est aller chercher dans ses jeux d’enfance, les exercices « perfectionnés » de sa préformation et plus tard de sa formation.

On distingue les jeux de football suivants :

Le « DOUGAL BUT GOAL » : celui qui marque devient gardien
Le « DOUGAL BUT TOGLOO SA MOROM » : marquer pour éliminer
Le « DOUGAL BUT TOOG » : le buteur se qualifie
Le « MBËK JOUER » : jeu de tête plus jeu normal
Le « PETITS CAMPS » : jeu avec petits buts sur la rue
Le « GRANDS CAMPS » : jeu avec gardiens de but sur la rue
Le « CENTRER MBËK » : centres devant les buts
Le « QUATRES CAMPS » : jeu individuel à 4 avec 4 petits buts
Le « DIGUE BI » : taureau
Le « LAAL DEUX FOIS TOOG» : jeu de passes à une touche
Le « BENNE CAMP » : opposition avec but unique
Le « GLADIATEUR » : jeu de groupe avec tacle sur le porteur
Le « DOUTËNTÈ » : jeu de dribble dans un groupe
Le « TËL » : jonglage avec compétition (qui arrive à 100 le premier)
Le « TENTER » : marquer sur un petit but sur une longue distance
Le « PENALTY » : série de penalty entre 2 joueurs
Le « SIX BUTS » : tir au but
Le « TECHNIQUE » : jonglage en groupe
Le « 2 mi-temps 4 tass » : match de compétition

Nous allons prochainement faire un bilan technique de ces différents jeux pour déduire leur niveau d'applicabilité dans un centre de formation moderne version sénégalaise.

A SUIVRE ...